Le musée de la vigne et du vin

Château de Boudry Ambassade du vignoble neuchâtelois, œnothèque et musée

Parasites

Du 27 août 1994 au 5 mars 1995

Le Musée de la vigne et du vin, au Château de Boudry, présente actuellement une expo­sition intitulée Parasites…, qui montre à l’envi que personne n’est à l’abri d’hôtes indésirables…

Partant de la définition même du mot parasite (du grec «para», à côté de, et de « sitos », aliment), soit qui se nourrit aux dépens de, l’ex­position débute au café du Commerce. Puisque tous les dictionnaires disent que le premier des parasites est l’homme lui-même, on rencontre là quelques personnages qui pourraient être qualifiés de parasites. Le pre­mier est Jean de La Fontaine, homme de salon par excellence et parasite au nom de l’esprit. N’a-t-il pas du reste écrit que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ? On peut aussi être parasite au nom de la naissance, au nom de la marginalité et, comme Bonaparte, en s’attaquant à l’Europe, au nom de la liberté ! Toutefois, ces considérations restent gratuites.

Le ver de la vigne

Les archives révèlent aussi que les vignerons devaient faire face aux attaques du ver de la vigne. Stade larvaire de trois papillons, le pyrale, la cochylis et l’eudémis, le ver de la vigne pouvait faire perdre jusqu’au tiers de la récolte comme cela arriva souvent en Bourgogne au XIXe siècle.

La cochylis (Eupoecilia ambiguella) à l’état d’insecte parfait est un petit papillon mesurant 7 à 8 millimètres, lorsqu’il a les ailes fermées et de 12 à 15 millimètres d’envergure.

C’est un parasite qui se reproduit par deux générations chaque année, la première au printemps, la seconde en été. Le premier papillon provient d’une chrysalide dont il sort durant les mois d’avril et de mai ; la femelle dépose sur les jeunes pousses entre 30 et 40 œufs qui éclosent après quinze jours, don­nant naissance à de petites chenilles qui vivent environ 40 jours. Elles envahissent les jeunes grappes, les entourent de fils soyeux et se fixent à l’intérieur. Ces chenilles sont très voraces.

Lorsque la chenille a atteint son développe­ment normal, elle file un cocon et se trans­forme en chrysalide d’où sortent à la fin de juillet les papillons de seconde génération semblables à ceux de la première. Ces der­niers pondent en août 30 à 40 œufs qui, quinze jours après, donnent naissance aux chenilles de deuxième génération. Celles-ci s’attaquent aux grains, qu’elles percent et dans lesquels elles s’introduisent pour en dévorer le contenu. Elles passent ensuite à d’autres grains; on compte qu’une seule che­nille peut percer de 15 à 20 grains ; ceux-ci pourrissent ensuite et contaminent leurs voisins.

Vers fin septembre, ces chenilles quittent la grappe pour se réfugier sur l’échalas ou dans l’écorce des ceps où elles hivernent. Elles se tis­sent un cocon dans lequel elles se transforment en chrysalide pour donner naissance aux papillons de première génération.

La pyrale (Sparganothis pilleriana) est l’un des parasites les plus anciennement connus. Papillon d’environ 15 millimètres, cet insecte apparaît au mois de juillet ; il s’ac­couple et la femelle pond sur les feuilles une centaine d’œufs qui, dix jours après, éclosent et donnent naissance à de petites chenilles vertes à tête noire. Celles-ci causent peu de dégâts en automne.

Ces chenilles passent l’hiver dans les fentes des échalas et sous l’écorce des ceps. Elles en sortent au printemps et se portent sur les bour­geons, les feuilles et les jeunes grappes dont elles se nourrissent. Elles causent ainsi de grands dégâts. Certaines années, en Bour­gogne, la pyrale pouvait faire perdre jusqu’au tiers de la récolte !

Vers la fin juin et au commencement de juillet, la chenille se transforme en chrysalide d’où sort un nouveau papillon.

L’eudémis (Lobesia botrana) est aussi un ver de la grappe comme la cochylis. Plus abon­dant dans les régions méridionales, il s’at­taque directement aux grains de raisin et il favorise le développement de la pourriture grise.

L’eudémis adulte est un papillon d’envergure de 7 à 8 millimètres, aux ailes antérieures grises, marbrées de taches rousses et brunes. La chenille (8 à 9 millimètres de long), de couleur vert jaunâtre, et dont la tête est jaune clair, est vive et agile.

Après avoir utilisé des moyens manuels pour lutter contre ces parasites comme l’écorçage des ceps avec des gants en cotte de mailles et l’échaudage des ceps durant l’hiver, on a ensuite utilisé le pyrèthre en plantant des champs de cette fleur autour des vignes. Une substance contenue dans cette fleur éloigne les insectes. Par la suite, on traita les vignes avec de la nicotine…

Les parasites américains

L’oïdium est un champignon d’origine améri­caine (Erysiphe Tuckeri). Découvert pour la première fois en Europe en 1847, il se propa­gea très rapidement et envahit bientôt tous les vignobles existants.

Ce champignon est mi­croscopique. De même que le mildiou, il émet des filaments qui ont pour fonction de puiser la nourriture dans les tis­sus de la vigne et des filaments fructifères qui supportent les spores. Le mycélium de l’oïdium ne pénètre pas à l’intérieur des organes de la vigne, mais rampe à la surface de ceux-ci, détruisant l’épiderme et absorbant la nourriture au moyen de suçoirs.

La présence de l’oïdium se manifeste par des efflorescences grisâtres et ternes à l’odeur de moisi très prononcée. Le bois attaqué par l’oïdium s’aoûte mal.

Lorsque la maladie se développe sur les grains de raisin, ce qui est généralement le cas, ceux-ci se fendent, deviennent noirs, se dessèchent et tombent.

Les facteurs de développement de l’oïdium sont la chaleur et l’humidité. Le meilleur remède contre l’oïdium est le soufre.

Le mildiou

Le mildiou ou mildew fut découvert pour la première fois en France en 1878. Cette mala­die était cependant connue depuis fort long­temps aux Etats-Unis. La présence du mildiou fut constatée en Suisse en 1886, et dès lors il n’a cessé de se propager.

Le champignon du mildiou (Peronospora viti­cola) attaque toutes les parties vertes de la plante aux dépens desquelles il se nourrit; son système radiculaire ou mycélium pénètre à l’intérieur des tissus et absorbe les substances nutritives de la plante. Lorsque le mycélium est suffisamment développé, il émet des fila­ments fructifères qui apparaissent à la surface extérieure des organes.

La maladie se manifeste par l’apparition sur la face supérieure des feuilles de taches jau­nâtres et sur la face inférieure d’efflorescences blanches formées par les filaments fructifères du champignon, qui portent les spores.

Dans le vignoble neuchâtelois, la maladie apparaît environ huit jours après les premières fortes pluies, généralement au mois de juin. Elle se propage alors d’autant plus rapidement que l’atmosphère est humide et chaude.

Les feuilles attaquées par le mildiou se dessè­chent et tombent; l’assimilation ne se fait alors qu’incomplètement et les raisins restent petits et acides et donnent de mauvais vins. En outre, les sarments dépourvus de leurs feuilles s’aoûtent mal et la récolte de l’année suivante est fortement compromise.

Les grappes peuvent également être attaquées par le mildiou sur grappes (Plasmopara viti­cola), surtout après l’épanouissement des fleurs. Les grappes atteintes se dessèchent, noircissent, tombent et la récolte de l’année peut être complètement anéantie.

Pour lutter contre le mildiou, les sels de cuivre, répandus sur les organes verts de la plante sous forme de solutions, constituent les meilleurs remèdes à appliquer. On parle alors de bouillie bordelaise, de bouillie berrichonne ou de Verdet neutre.

Le phylloxéra

Importé d’Amérique, le phylloxéra (Phyl­loxera vastatrix) a été découvert pour la première fois en France en 1863. La présence du terrible puceron fut constatée dans le canton de Neuchâtel en 1877, mais des mesures éner­giques retardèrent l’invasion phylloxérique.

Le développement du phylloxéra comprend les phases suivantes: Pendant les mois de juin, juillet et août apparaît une génération munie d’ailes. Celle-ci produit sans accouplement des œufs pondus à la face inférieure des feuilles. Ces œufs sont de deux grandeurs différentes ; les petits don­nent naissance à des mâles et les gros à des femelles. Au bout de peu de temps, ces œufs éclosent et l’on a une nouvelle génération de pucerons, non pourvus d’ailes dans lesquels se trouvent des mâles et des femelles: ce sont les sexués. Ces pucerons petits, et dont l’estomac est impropre à recevoir de la nourriture, s’accouplent; la femelle pond un seul œuf et les sexués meurent. Cet œuf, appelé œuf d’hi­ver, est pondu sous l’écorce ou dans une fente d’échalas. Au printemps, il éclot et donne naissance à une nouvelle catégorie de phylloxéra non sexués.

Lorsque la vigne attaquée par le phylloxéra est plantée en plants non résistants, le puceron descend sur les racines de la plante qu’il pique au moyen de son suçoir et sur lesquelles il provoque des boursouflures. Ceux-ci sont les radicicoles ; ils muent trois fois et pondent ensuite sans accouplement.

Sur les ceps résistants, les pucerons provenant de l’œuf d’hiver attaquent de préférence les feuilles qu’ils piquent sur la face supérieure. Cette piqûre produit sous la feuille une galle dans laquelle le puceron s’enferme et pond ses œufs, de là le nom de gallicicoles.

Les autres parasites

L’exposition présente encore rapidement les cicadelles, le botrytis, l’érinose, les araignées jaunes et rouges, l’anthracnose, les coche­nilles et l’acariose. Elle n’oublie pas qu’aujourd’hui, les vignerons doivent faire face contre des maladies à virus.

Les virus susceptibles d’infecter la vigne peu­vent être classés en quatre groupes selon leur mode de transmission.

Le premier groupe contient les virus transmis par les nématodes vivant dans le sol dont le plus important est le virus du court-noué de la vigne.

Le deuxième groupe comprend les virus transmis par des champignons du sol. Leur importance économique est très faible. Le troisième comprend deux virus transmis par des pucerons: le virus de la mosaïque de la luzerne et le virus du flétrissement de la fève. Le quatrième se compose des virus dont le mode de transmission n’est pas connu. Dans la plupart des cas, les virus eux-mêmes n’ont pas été isolés et leurs propriétés ne sont pas déterminées.

En guise de conclusion

Par des objets anciens et modernes, des planches et des photographies, le visiteur peut ainsi aisément se rendre compte à quel point le vigneron doit lutter pour mener la culture de la vigne à bien. Mais au-delà des parasites de la vigne, il pourra aussi prendre conscience que le parasitisme est une spécialisation médi­cale et que notre société en entier en est atteinte. Ne sommes-nous pas cinq milliards et six cents millions à vivre aux dépens de la terre !

Patrice Allanfranchini