Le musée de la vigne et du vin

Château de Boudry Ambassade du vignoble neuchâtelois, œnothèque et musée

Au nom de la vigne

1994

Au nom de la vigne ou le serment de respect que prêtaient les vignerons

Jusqu’à fin juillet, le Musée de la Vigne et du Vin présente une petite exposition qui retrace l’histoire et la vie des différentes compagnies de vignerons, existantes ou ayant existé dans le Pays de Neuchâtel. La première partie, intitulée « Au nom de la qualité », est consacrée avant tout à l’honorable Compagnie des vignerons de Neuchâtel, à laquelle nous consacrerons prochainement tout un article. Disons simplement que cette compagnie a vu le jour en 1687. Elle visait à l’amélioration de la culture de la vigne sur le territoire de la ville de Neuchâtel. Pour ce faire, elle organisait quatre fois l’an des visites du vignoble menées par des experts vignerons. Ceux-ci inspectaient tous les parchets, relevant les défauts de culture qu’ils remarquaient. Ils en informaient ensuite les propriétaires et les vignerons concernés.

Lorsque les fautes étaient trop importantes et que des préjudices pouvaient être causés aux propriétaires, les vignerons incriminés se voyaient taxer d’amende ou, lors de cas graves, dénoncer à l’autorité compétente qui détenait le droit de police.

La Compagnie des vignerons acquit au cours du XVIIIe siècle une importance considérable. Elle devint même la plus grande corporation de la ville. La quasi totalité des propriétaires de vigne en étaient membres. Tous les vignerons qui travaillaient des vignes sur le territoire de la ville étaient contraints de prêter serment et respecter les ordonnances de la compagnie.

Afin que les travaux se fassent dans les temps nécessaires, les experts vignerons en fixaient les dates. Et si des intempéries empêchaient tout travail dans les parchets, on le signifiait en hissant un drapeau en ville. Lorsque celui-ci était déployé, personne ne devait se trouver dans les vignes.

En 1735, la Compagnie des vignerons se fondit en une seule corporation en s’associant avec la Compagnie des tonneliers, qui était devenue désuète mais qui possédait une grande fortune. Ce regroupement donna à la Compagnie des vignerons l’assise financière qui lui faisait encore défaut. Grâce à cette aisance pécuniaire, la Compagnie des vignerons commença à ne plus pénaliser systématiquement les vignerons fautifs mais à récompenser les vignerons méritants. Ces derniers reçurent dès lors des prix en argent ou en nature, souvent l’équivalent de quelques émines de froment.

Avec la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle, la Compagnie vint aussi en aide aux vignerons âgés et à leur famille, leur apportant une aide substantielle. Elle créa aussi une sorte d’école pour former les jeunes aux métiers de la vigne.

Elle s’associa aussi à la publication de quelques ouvrages visant à l’amélioration de la culture de la vigne.

Après 1848, elle fut chargée du ban des vendanges.

Toutefois, avec la fin du XIXe siècle et la disparition progressive des vignes sur le territoire communal, elle perdit de son importance. De plus, la création de grands encavages et la professionnalisation du travail viti-vinicole lui fit perdre son rôle premier, soit la visite et le contrôle du travail vigneron.

Cependant, cette Compagnie existe toujours et elle continue à avoir un rôle philanthropique auprès du monde viti-vinicole.

Au cours du XIXe siècle, la Compagnie des vignerons de Neuchâtel fit des émules et des associations similaires virent le jour tant à Saint-Blaise, la Côte qu’à Boudry. Dans ces lieux-là, il s’agissait principalement de groupements de propriétaires, qui voulaient améliorer le niveau de culture de leurs biens.

La seconde partie de l’exposition présente les compagnies de vignerons qui sont nées dans le dernier tiers du XIXe siècle. Celles-ci, formées avant tout de petits propriétaires ou de vignerons-tâcherons, avaient pour but l’entraide et la fraternité, d’où le titre « Au nom de la solidarité ».

Ces compagnies exigeaient de leurs nouveaux membres qu’ils soient en parfaite santé. Ainsi, pour y être agréés, ceux-ci devaient passer un examen médical attestant de leur vitalité. Comme le but primordial de ces sociétés était de venir en aide aux vignerons malades en effectuant des corvées, il fallait a priori que personne n’y entre en étant déjà malade.

Ainsi, lorsqu’un des membres de ces groupements tombait malade, les autres décidaient de lui apporter aide en se groupant pour accomplir les travaux nécessaires aux vignes. Ainsi, il était fort fréquent de voir, il y a peu encore, des escouades de vignerons effectuer des corvées. La mécanisation de la culture a bouleversé cette manière d’agir. Toutefois, la pratique de la corvée subsiste dans les compagnies qui existent encore.

Patrice Allanfranchini