Le château

Château de Boudry Ambassade du vignoble neuchâtelois, œnothèque et musée

La présentation du vignoble

Une vieille histoire

La vigne fait partie intégrante du paysage du Littoral neuchâtelois depuis deux millénaires, montrant à l’envi qu’elle a été et reste une activité primordiale pour ce pays même si elle n’est plus la principale ressource financière comme ce fut le cas jusqu’à l’aube du XVIIIe siècle.

Sa culture n’a pas seulement modelé les sols mais aussi déterminé l’architecture vernaculaire. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir le vignoble et d’observer les maisons. Toutes abritaient autrefois pressoirs et celliers au rez-de-chaussée.

Quant aux vins, s’ils étaient bus principalement dans le Pays, ils étaient aussi appréciés en Suisse, en particulier du côté de Berne, Lucerne et surtout Soleure où ils étaient amenés par voie d’eau par des bateliers qui avaient tendance à mettre en perse quelques barriques, buvant de tout leur soûl jusqu’à l’ivresse, faisant dire ainsi qu’ils avaient « chargé pour Soleure » !

Et si les vieux vins blancs faisaient les délices de nos ancêtres, les rouges eurent en la personne de Jean-Jacques Rousseau, un défenseur de qualité. Ne les comparaît-il pas aux meilleurs crus de Bourgogne ?

Ajoutons que les qualités carboniques des blancs leur permirent très rapidement de voyager outre-mer à tel point que Le Corbusier en séjour au Brésil surprit ses amis qui lui présentaient une bouteille de Neuchâtel, en affirmant qu’il n’avait bu que cela pendant les vingt années de sa jeunesse…

Recouvrant de nos jours environ 600 hectares alors qu’il y a un siècle, il s’étendait sur plus du double, le vignoble neuchâtelois s’étire de Vaumarcus en vent au Landeron en bise. Baigné jusqu’à Saint-Blaise par les eaux du lac, il jouit ensuite de la douceur de l’Entre-deux-Lacs. Montant à l’assaut des coteaux, en douceur et sans à-coups, il déroule toujours son ruban de pampre même si l’essor de l’urbanisme lui a fait perdre sa prépondérance.

Protégé par le Jura des vents froids du nord et des pluies froides de l’ouest, il est sujet pourtant aux gelées printanières et aux grêles de l’été.

Par la nature même des sols qui le composent, dans son uniformité toute relative, il avoue des particularismes qui permettent aux amateurs de différencier sans trop de difficultés les crus de la Béroche, de ceux de Bevaix, les Boudry des Cortaillod, les Auvernier des vins de Saint-Blaise, les Cressier des Landeron, tous étant il est vrai des Neuchâtel. Et comme les vignerons tiennent chacun leur produit pour le meilleur, tous vous affirmeront la supériorité de leur cru sur celui du voisin.

Ce chauvinisme reste pourtant fort sympathique puisque tous louent avant tout leur terroir dans sa globalité, défendant ainsi une tradition profondément ancrée dans la mentalité locale qui veut que les vins de Neuchâtel soient évidemment les meilleurs…

L’homme qui travaille la vigne aime  son métier et son amour de la terre ne peut que se répercuter sur les produits qu’il en tire. Il est donc normal que son vignoble, il le défende, le vante et en soit fier.

Les vins

Le blanc de Neuchâtel, issu uniquement du Chasselas, le principal cépage de Suisse romande, est un vin aux qualités apéritives indéniables. Son caractère pétillant, fruité, vif, léger, invite à la convivialité. Son carbonique naturel dégagé lors de la fermentation et conservé par une vinification adéquate, le rend quasiment divin puisqu’il fait, comme on dit, l’étoile dans le verre lorsqu’il est servi frais et versé de haut. C’est non-filtré qu’il développe tout son potentiel.

Un pourcentage important de Chasselas est aussi vinifié selon la technique de la fermentation traditionnelle en bouteille, donnant des mousseux de grande classe qui ont acquis leur lettre de noblesse à la cour de Prusse lorsque Neuchâtel était encore une principauté. Servis frappés à l’instar des champagnes dont ils n’ont pas à rougir, ils accompagnent subtilement chaque instant d’exception.

Les vins rouges de Neuchâtel proviennent tous du noble Pinot noir comme leurs célèbres voisins bourguignons. Ils ont du corps, une très belle tenue, un bouquet très fin. Leur goût est franc. Leur robe est claire, d’un rubis plus ou moins transparent. Vieillis quelques années, ils développent à maturité tout leur bouquet prononcé, égayant au plus haut point l’esprit par leur finesse, leur générosité et leur équilibre.

À peine cuvé, le Pinot noir donne le subtil Œil-de-Perdrix, ce rosé que l’on doit boire jeune de préférence et frais et dont de nombreux auteurs d’autrefois ont chanté les vertus puisque l’Œil-de-Perdrix est de fait le vin rouge clairet de nos siècles précédents. Spécialité neuchâteloise par excellence, ce vin marie en robe de velours la légèreté d’un rosé au fruité et à la délicatesse du Pinot.

Immédiatement pressé, ce même Pinot donne la Perdrix-Blanche qui allie aux qualités des rouges une robe que l’âge rend mordorée.

Au-delà de ces deux plants majoritaires dans le Pays de Neuchâtel, de nombreuses spécialités y sont produites qui réjouissent les amateurs les plus exigeants. On trouve du du Pinot gris, du Pinot Chardonnay, Müller-Thurgau, du Gewürztraminer, du Doral, du Viognier, du Sauvignon blanc, du Pinot blanc, du Gamaret, du Garanoir, du Diolinoir, du Galotta, du Merlot, du Malbec, etc.

Le Pinot Chardonnay développe sur nos coteaux des vins corsés et aromatiques ; le Pinot gris, issu d’un raisin gris-fumé, donne des crus très fins, souples et ronds et même d’excellents surmaturés ; le Müller-Thurgau et le Gewürztraminer séduisent par leur fraîcheur, leur bouquet et leur fruité délicieux à l’instar des vins des vignobles septentrionaux. Quant aux autres, ils méritent d’être découverts.

Et au hasard des caves, il est encore possible de déguster de surprenantes raretés comme des vins flétris provenant de vendanges tardives qui ont profité des derniers rayons de soleil de l’automne.

Le vignoble

Vaumarcus

Porte ouest du Pays, le château de Vaumarcus, ancien témoin médiéval des Guerres de Bourgogne (1476).

La Béroche

Balcon entre lac et montagne, La Béroche est une terre d’élection où la vigne se mêle intimement aux cerisiers avant de céder le pas en éventail aux cultures céréalières. Jouissant d’une ouverture sans pareil sur le plateau et les Alpes, elle mérite son titre de Riviera neuchâteloise.

Bevaix

Vignoble historique puisque c’est de lui dont parle le plus ancien document conservé (998), il mérite qu’on s’y attarde, qu’on y flâne, tant du côté de l’Abbaye que le long du lac en direction de la Pointe du Grin.

Boudry

Petite ville surmontée d’un château médiéval qui abrite le Musée de la Vigne et du Vin, Boudry a vu naître en ses murs le révolutionnaire Jean-Paul Marat et le chocolatier Philippe Suchard. Les gens du lieu affirment à propos de leurs vins que si Cortaillod a le nom, ils ont le bon.

Cortaillod

Célèbre tant pour sa civilisation néolithique que pour son clone particulier de pinot noir, Cortaillod est synonyme de qualité eu égard à ses vins rouges et à son fameux vin du Diable dont les vignes croissent sur un des coteaux les plus pittoresques du Vignoble.

Colombier

Colombier est sans doute plus célèbre en Suisse par son château caserne et musée que par ses crus qui enchantèrent pourtant Madame de Charrière et Benjamin Constant. Soulignons toutefois qu’à la place du château s’élevait là une des plus grandes villas gallo-romaines d’Helvétie où l’on dut sans doute encaver les premiers vins du pays.

 

Auvernier

Perle du vignoble neuchâtelois, le village d’Auvernier a conservé intact son architecture du XVIIe et XVIIIe siècle, témoin privilégié d’un passé viticole qui a su s’adapter aux exigences de notre modernité.

La Côte

Corcelles-Cormondrèche et Peseux formaient avec Auvernier le vignoble de La Côte. Si Peseux s’est fortement urbanisé, Cormondrèche demeure un site remarquable à caractère viticole dominant surplombant le Vignoble.

Neuchâtel

Englobant les vignobles de Serrières et de La Coudre, Neuchâtel, autrefois plus grande commune viticole du Pays, porte fièrement, autour de son château et de sa collégiale, le nom générique des vins du Pays.

Hauterive

Enserré au cœur d’une petite cluse, Hauterive évoque la pierre jaune dont le pays est construit.

Saint-Blaise

Si Saint-Blaise a perdu de nos jours son accès direct au lac, le cœur du village réveille le souvenir de Jean-Louis, le roman d’Auguste Bachelin qui décrit avec justesse la vie quotidienne du siècle passé.

Cornaux

À l’écart et oublié, le vieux Cornaux mérite le détour car il a su conserver sa silhouette ancienne composée de maisons d’agriculteurs et de vignerons alternées.

Cressier

Soumis comme son voisin Le Landeron à l’emprise soleuroise, Cressier s’est fait à travers les siècles une réputation viticole qui n’a rien d’usurpé et ses encaveurs actuels perpétuent à merveille cette tradition séculaire.

Le Landeron

Construit de toutes pièces au cours du XIIIe siècle pour faire face à La Neuveville, le bourg du Landeron forme un ensemble architectural de tout premier plan qui mérite un arrêt, pour déguster aussi le vin blanc sec qu’on y produit.

Une terre, un pays

Un pays n’existe que par les hommes qui y habitent. Ceux-ci s’y forgent leur mentalité et le travail de la vigne a joué un rôle non négligeable pour tous, que ceux-ci soient vignerons ou non. La défense et l’illustration des vins de Neuchâtel fait donc aujourd’hui partie du patrimoine collectif et mérite à ce titre toute notre attention.

Même si de nos jours, il n’y a plus qu’une soixantaine d’encavages en terre neuchâteloise et que la profession est devenue affaire de spécialistes, il faut se réjouir de cette situation qui offre aux amateurs des produits de haute qualité qui s’allient si bien aux plats traditionnels du pays.

Les poissons du lac – perches, palées, bondelles, truites, brochets – ainsi que les seiches au lard ou les gâteaux au beurre s’accordent à merveille avec les blancs qu’il faut servir frais mais non glacé.

Les rouges accompagnent toutes les viandes rouges ou noires, les volailles, le gibier et les plateaux de fromages qui soulignent leur noblesse.

L’Œil-de-Perdrix, très apprécié par les femmes, se marie admirablement à toute viande rouge et au fromage à pâte mi-dure ou molle et, comme les blancs, à d’innombrables entrées, mets et desserts qu’il escorte avec distinction.

Terre de vignes, terre de traditions, le vignoble neuchâtelois mérite le détour et ne décevra jamais celui qui recherche l’authenticité sans fioritures. Comme les hommes, les vins de ce pays sont francs, droits, entiers, voire mordants et vifs.

 

Patrice Allanfranchini