Le musée de la vigne et du vin

Château de Boudry Ambassade du vignoble neuchâtelois, œnothèque et musée

Et que ça saute

Cliquez sur le bouton ci-dessous permet de télécharger la présentation au format PDF.

1995

Les bulles à l’honneur

« Le champagne, c’est la vie, la joie, le bonheur. Ça mousse, ça éclate, ça pétille ». Partant de cette vérité de M. de Tolignant, le conservateur du Musée de la vigne et du vin au château de Boudry, Patrice Allanfranchini, a voulu une fois parler des bulles. Le titre Et que ça saute de la nouvelle exposition qu’il a élaborée et dont le vernissage a eu lieu hier en fin d’après-midi, donne à lui seul le ton de ce que le visiteur s’apprête à dé­couvrir.

Pour toutes les choses gaies de la vie, le champagne ou le vin mousseux donne un relief tout particulier. On ne saurait boire de l’eau lors d’un baptême­, d’un mariage ou d’un anniversai­re, quand on réussit un examen ou qu’on obtient une promotion. Les spor­tifs eux-mêmes, quand ils ont gagné un titre ou une compétition – l’exemple des grands prix moto ou de Fl est probant –, en usent souvent largement. Le monde de la nuit aussi, notamment dans les cabarets, est un grand ama­teur de bulles.

Tous ces événements sont présentés de façon fort attractive et amusante – en complément, un cercueil démontre qu’il est interdit de boire du champagne lors d’un enterrement ! –, aux côtés d’une très intéressante collection d’étiquettes du XIXe siècle, vantant ce charmant breuvage.

Mais pour boire le champagne ou le vin mousseux, il faut d’abord l’élabo­rer. La première partie de l’exposition propose d’abord un historique de la découverte des mousseux champenois attribuée à Dom Pérignon vers la fin du XVIIe siècle. Elle montre et explique surtout toutes les phases de prépara­tion, les vendanges, la première fer­mentation, l’entreillage, le remuage, le dosage, le bouchonnage et le musela­ge. Celte dernière opération était im­portante si l’on sait que la pression retenue dans une bouteille de « péteux » atteint six atmosphères. Tout un maté­riel ancien ou récent, de nombreuses photos et des explications précises complètent harmonieusement cette expo très… pétillante.

Henri Vivarelli, L’Express 1995.09.02

Exposition à Boudry : le Musée part à la recherche des bulles
Et que ça saute !

Non, le Musée de la Vigne et du Vin ne fait pas dans l’anarchie ni dans le terrorisme. Le Musée part simplement à la recherche des bulles, celles patiemment mises en bouteilles à la suite d’une deuxième fermentation contrôlée…

Le 1er septembre, à 17 heures précises, des bouchons sauteront au cœur du vieux château de Boudry. Le vernissage de la nouvelle expo­sition aura lieu. Et quelle exposition !

Un hommage à Dom Pérignon

Le Musée tient à rappeler que le père putatif des mousseux champenois cherchait avant tout à obtenir des vins qui ne pétillaient pas. En effet, à la fin du XVIIe siècle, ce chef caviste de l’abbaye d’Hautvilliers s’inté­ressa davantage aux assemblages de raisins qu’à la technique de la fermentation traditionnelle en bouteille.

En effet, la première allusion au vin mousseux champenois dans un ouvrage de viticulture n’apparaît qu’un demi-siècle après la mort de Dom Pérignon. Dans son Traité sur la nature et la culture de la vigne, de 1759, Nicolas Bidet donne la définition suivante : « Les vins gris… vins que l’étranger nomme communé­ment vins blancs, mousseux ou non mousseux, qui doivent être aussi blancs et aussi clairs que l’eau de la roche la plus épurée. »

Alors d’où vient le champagne pétillant ? De la rencontre fortuite de caves taillées dans la craie à l’aération remarquable avec la bouteille et le bouchon de liège, ce qui fit que le vin pétilla naturellement, sans qu’on le désire vrai­ment ! Puis sans doute avec l’arrivée de vigne­rons allemands rompus à diverses techniques…

Au début, cependant, ces vins mousseux ne satisfaisaient pas les amateurs. Il fallut toute la science « marketing » d’un Saint-Evremond pour que les Anglais, dès 1662, deviennent des amateurs de champagne. Toutefois, pour lui, il y a deux vins de Champagne : le bon et l’exécrable ! Le seul vrai est celui qui ne mousse pas ! En 1701, Saint-Evremond, en s’adressant à Lord Galloway, parle des vins de Champagne : « de la façon qu’on les faisait il y a quarante ans avant la dépravation du goût ».

Mais le chanoine Godinot, considéré comme le plus grand expert de l’époque, écrit en 1718 :
« Depuis plus de vingt ans le goût des Français s’est déterminé au vinmousseux et on l’a aimé commencé à en revenir dans les trois dernières pour ainsi dire jusqu’à la fureur ; on a commencé à en revenir un peu dans les trois dernières années. »

Raymond Dumay dans Le vin de Champagne, Paris 1977, écrit : « Dans sa Naissance du Champagne, René Gandilhon a multiplié les témoignages de tous les hommes qui peuvent être classés dans la rubrique « connaisseurs ». À l’unanimité, ils se prononcent contre le vin mous­seux. Peut-on croire que le seul Dom Pérignon, qui était des leurs, aurait œuvré en sa faveur ? Et si, tel était le cas, aucun des combattants passionnés de l’armée du vin ne l’aurait su, n’en aurait rien dit ? »

Ces quelques propos montrent bien que l’ori­gine des vins mousseux est plus que contro­versée. De plus, rappelons que l’usage de la bouteille en verre pour le transport des vins était interdit en Champagne au début du XVIIIe siècle ! De là, vive la fraude !

Ainsi, l’exposition posera tout d’abord le pro­blème de l’origine des vins mousseux, puis présentera les aires de fabrication et les étapes de l’élaboration traditionnelle de ces vins. Pour ce faire, elle aura recours à du matériel qui a été uti­lisé dans le canton de Neuchâtel où, depuis 1811, on élabore des vins mousseux.

En effet, les maisons de grandes traditions comme Bouvier Frères et Mauler, qui nous ont permis de réaliser cette exposition, nous ont ouvert tout grand leurs réserves et leurs tré­sors. En revanche, nous n’avons malheureuse­ment pas pu obtenir l’aide des maisons de Champagne que nous avions sollicitées.

Un vin de fête

Ainsi après avoir suivi les étapes de l’élaboration en com­parant les techniques d’hier avec celles d’aujourd’hui, le visiteur pourra suivre en fonc­tion des âges de la vie les occa­sions où il est de bon ton de servir des vins pétillants.

Depuis le XVIIIe siècle donc, des rites de boire se sont for­més au gré d’occasions qu’il convient d’évoquer : une nais­sance, un baptême, une com­munion, des anniversaires, des diplômes, un mariage, etc., tout sauf la mort.

Et pourtant, si on l’a tutoyée, frôlée et évitée – tel le vain­queur d’un Grand Prix automo­bile – il est bon de faire sauter un bouchon !

Et puis, il y a les occasions coquines, les vies parallèles, les charmes de la nuit ! Et à travers tout ceci, une iconographie particulière qui fait que l’on recherche les bulles !

Patrice Allanfranchini