Le musée de la vigne et du vin

Château de Boudry Ambassade du vignoble neuchâtelois, œnothèque et musée

Bouteilles !

2003

Tel est le titre de la nouvelle exposition qui vient de s’ouvrir au Château de Boudry, une exposition qui raconte deux mille ans de l’histoire de la bouteille…de vin !

En rendant hommage à ce récipient devenu fort commun aujourd’hui, le Musée de la Vigne et du Vin de Boudry offre aux visiteurs toute une réflexion sur l’évolution d’un flacon de verre qui a vu son statut se modifier au cours des siècles.

L’exposition s’ouvre sur une extraordinaire mosaïque romaine du 3e siècle après Jésus-Christ, une pièce d’une ampleur considérable puisqu’elle mesure 250 x 350 cm. On peut y découvrir une scène d’un symposium où neuf patriciens sont en train de partager un banquet dans un triclinium, servis par six esclaves sous la conduite d’un amphitryon qui commence à découper des oies rôties.

Le sol est jonché des restes des mets précédents : poissons, coquillages, volailles, légumes qu’un esclave accroupi s’apprête à nettoyer. Dans un angle, deux autres esclaves préparent du vin herbé légèrement tiédi dans un samovar. Ils emplissent une coupelle d’un vin clairet distribué ensuite aux convives. Ceux-ci tiennent en main des bouteilles en verre qui leur servent de verre.

Cette mosaïque qui provient du Levant se trouve depuis une cinquantaine d’années en Suisse. Toutefois, comme elle appartient à un collectionneur, elle n’a jusqu’à ce jour jamais été présentée dans une exposition publique. Sans conteste, par sa magnificence et son importance, elle mérite à elle seule un passage à Boudry.

Pourtant, à Boudry, elle sert aussi d’invitation à entrer dans le monde des bouteilles. L’exposition du premier étage permet tout d’abord de se familiariser avec les techniques de soufflage des bouteilles, formées primitivement d’une simple goutte de verre en fusion qui prend peu à peu la forme d’une poire, poire instable dont il a fallu assurer l’assiette en repoussant vers l’intérieur une partie du verre de la base, formant ainsi ce qui est communément appelé « cul de bouteille ».

Bouteilles romaines

Une vitrine ensuite présente des exemplaires de bouteilles romaines des 1erau 4e siècle, accompagnés d’une amphore vinaire du 1er siècle. Ceci marque en fait l’opposition entre le récipient traditionnel de garde et de transport utilisé sous l’Empire et les bouteilles employées comme aujourd’hui les verres.

Une série de photographies permettent de suivre l’évolution des bouteilles du 17e au 19e  siècle avant que dans une vitrine on puisse admirer des modèles « oignons » de la fin du 17e, des bouteilles tronconiques du 18e et des bouteilles cylindriques de la même époque. Un manuscrit neuchâtelois daté du 10 septembre 1616 rappelle alors que la bouteille avait le même emploi que les channes en étain, ne servant point alors de moyen pour conditionner longtemps du vin.

Une évolution didactique des formes…

Tant par des reproductions de toutes sortes que pour une présentation évolutive des formes, il est possible ainsi de suivre l’histoire de la bouteille à vin jusqu’à l’aube du 20e siècle, passant ainsi des modèles entièrement soufflés à ceux recourant à l’emploi de moules, glissant ainsi d’un artisanat pur à une fabrication devenant peu à peu industrielle. Parmi les exemplaires significatifs, il faut regarder les bouteilles des verreries de Flühli ainsi que celles provenant des verreries qui ont existé le long du Doubs au 18e siècle. Les bouteilles du Doubs se caractérisent par leur verre bleuté. Chaque pièce fait l’objet d’une brève description, ce qui permet ainsi de suivre l’évolution des genres jusqu’au litre étalonné pièce par pièce.

Entre charme et abus

En poursuivant la visite, au deuxième étage, le visiteur se trouve en face d’exemplaires un peu coquins associés il est vrai à tout ce qui touche à la prophylaxie contre l’alcool. Entre luxe, envie et excès, il convient désormais de choisir si nous ne souhaitons pas voir fleurir sur nos murs des affiches mettant en avant les abus de l’alcool, comme celle exposée à côté d’une autre vantant le plaisir… de la bouteille.

De Saint-Prex au Nabuchodonosor

L’industrie du verre en Suisse reste importante et il est normal de présenter la diversité des types de bouteilles fabriquées aujourd’hui afin de montrer que chaque région, voire chaque lobby, a la possibilité de se définir par une forme particulière de bouteille. Vaud, Valais, Neuchâtel revendiquent des bouteilles particulières. Et au-delà des contenances traditionnelles, il est possible de découvrir toute la série des flacons qui vont de 750cl traditionnel au 15.000cl du Nabuchodonosor !

Entre dégustation, consommation et récupération

Devenue avec le temps le meilleur moyen de conditionner les vins, la bouteille aujourd’hui abrite les plus fameux crus comme les plus quelconques. Mais une fois le contenu dégusté ou consommé, les verres deviennent encombrants à tel point qu’ils sont jetés un peu n’importe où, souvent parfois au fond du lac comme quelques exemplaires couverts de dressénia le montrent. Mais en Suisse, l’idée de récupération a fait son petit bout de chemin à tel point que partout nous trouvons désormais des containers de récupération du verre. Même si certains y jettent encore souvent n’importe quoi, le verre récupéré entre désormais pour 80 à 90% dans la fabrication des nouvelles bouteilles, permettant ainsi que le cycle du verre se renouvelle.

Cette exposition offre donc la possibilité de suivre le parcours sur plus de deux mille ans, montrant ainsi comment un matériau de luxe est devenu aujourd’hui un objet de grande consommation.

Patrice Allanfranchini