Le musée de la vigne et du vin

Château de Boudry Ambassade du vignoble neuchâtelois, œnothèque et musée

Baraques de vigne

octobre 2009 à juin 2010

Des coteaux… des chemins caillouteux… des alignements de ceps… tel est le paysage viticole de notre vignoble. Parfois, le regard croise une petite baraque : une cabane de vigne, témoin d’une époque et de pratiques révolues. Dans toutes les régions viticoles ces « maisons de vigne », qui font partie du patrimoine, disparaissent peu à peu.

Pourtant, leur valeur paysagère, leur architecture unique, les histoires qu’elles racontent… méritent que l’on s’intéresse à elles… et qu’elles soient préservées.

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la vigne est cultivée en foule : la multiplication des ceps résulte du marcottage (ou provignage). À la fin du XIXe, après l’attaque du phylloxera, le recours au porte-greffe ne permet plus le marcottage puisque chaque pied planté est un pied greffé. Les conséquences sont nombreuses: les plantations sont alignées, la conduite au fil de fer se développe et remplace la conduite sur échalas. Les labours à bras sont également abandonnés car la charrue attelée peut être introduite dans les vignes. Enfin, d’une manière générale, les vignerons donnent beaucoup plus soin de leurs vignes.

Comme les plantations se situent à quelques distances des habitations, les cabanes de vigne prennent tout leur intérêt et se généralisent : elles permettent de stocker les piquets, le fil de fer et quelques outils, mais surtout d’abriter hommes en cas d’intempéries.

Les cabanes de vignes ont été construites avec toutes sortes de matériaux. Les propriétaires les plus aisés ont utilisé des pierres de taille. Pour ceux-ci, ces petites maisons servaient  de cabinet de repos si bien qu’ils les dotaient d’une cheminée. L’iconographie du 18e siècle permet d’en localiser certaines autour de la ville de Neuchâtel. Peu subsistent aujourd’hui.

Depuis plusieurs décennies, les cabanes de vignes ne trouvent plus d’utilité aux yeux des vignerons. En effet, l’avènement du tracteur accélère les déplacements et facilite le transport du matériel. Le repas du midi peut être pris au siège de l’exploitation.

La plupart des cabanes de vignes sont donc abandonnées petit à petit ; tout au plus, elles servent à entreposer quelques piquets et un peu de fil de fer.

En conséquence, nombre d’entre elles ne bénéficient plus d’entretien sauf si elles servent de lieux de détente, voire de petites résidences secondaires.

En Suisse, on les appelle capite, guérite, cabinet.

Si autrefois le propriétaire de la vigne avait toute liberté pour ce genre de constructions, nous constatons leur disparition parce que même les cabinets de vigne sont soumis à un règlement de construction, comme par exemple dans la commune d’Onnens :

Cabinet de vigne

Art.62 Les cabinets de vigne existants ne peuvent qu’être entretenus et restaurés à l’exclusion de la création de toute ouverture nouvelle; leur volume ne peut être augmenté.

Art. 63 Les cabinets de vigne ne peuvent être construits que sur des terrains enregistrés au cadastre viticole fédéral. Ils doivent satisfaire aux conditions suivantes :

  1. Leur surface au sol ne doit pas excéder 10 m2.
  2. Leur hauteur ne doit pas excéder 2,50 m. à la corniche et 3,50 m. au faîte.
  3. Ils ne doivent compter qu’une porte et en principe qu’une fenêtre ou une lucarne d’une surface de 1 m2 au maximum.

Art.64 Les cabinets de vigne ne peuvent pas servir à l’habitation ; ils sont assimilables au demeurant aux dépendances telles que définies.

Kikajon [n. m.]

Neuchâtel : cabane de jardin, voir quicageon 
Pour l’anecdote, si on appelle encore la cabane de jardin le kikajon, on le doit à cette bible annotée. Ostervald a tout simplement transcrit le mot hébreu qui désigne la plante sous laquelle le prophète Jonas s´est abrité, à l´extérieur de Ninive, après avoir accompli sa mission prophétique dans la grande ville (voir Jonas 4).

Quicageon, quiquajon [n. m.]

Vaud : abri à claire-voie dans un jardin, maisonnette en bois. Probablement dérivé de kikajon, nom tiré de la Bible : Et l’Éternel Dieu prépara un kikajon et le fit monter au-dessus de Jonas, pour faire ombre sur sa tête. (Jonas, chap. 4). Selon l´exégèse ce nom pourrait désigner soit un ricin, soit une courge. Au figuré il signifierait aussi « abri précaire ».

 

Le pavillon du Bugnon ou Tintabenet

Élevé sur la colline du gibet de Colombier, soit le  Crêt d’Areuse, qui surplombait sa maison dans laquelle la famille emménage en 1805, cet extraordinaire pavillon de vigne a sans doute été construit par Jean-Jacques Bovet (1756-1811). Cette attribution lui revient car Jean-Jacques Bovet est connu dans la chronique familiale pour avoir dépensé une bonne part de sa fortune en murs de vigne, vérandas, cabinet de jardin et gloriettes de tous genres.

La légende ajoute que Jean Jacques y montait de temps à autre et signalait, en hissant un drapeau rouge ou blanc, la couleur du vin que devait lui apporter son domestique !

Ce pavillon, ainsi que plusieurs salons et vérandas du hameau d’Areuse, contient des fresques dont l’auteur fut certainement un des maîtres dessinateurs de la fabrique de Boudry, car on y reconnaît, en manière de frise, dans les entrelacs d’un ruban bleu que supportent quatre thyrses dorés, tous les singes, perruches et coque cigrues des tentures à l’arbre ou au perroquet des Bovet.

La construction de ce cabinet de vigne est particulièrement soignée. Bâti en pierres de taille de calcaire jaune, percée d’une porte au nord et de fenêtres, sur un niveau inférieur semi-enterré maçonné, toiture à quatre pans couverts de tuiles, il abrite à l’intérieur des décors peints remarquables datant du début du 19e siècle, avec des scènes exotiques très rares dans le canton.

Retouché par le peintre Alfred Blailé au cours du 20e siècle, qui compléta selon son inspiration quelques manques dans les peintures dus à des dégradations naturelles, ce pavillon vient de faire l’objet d’une restauration complète effectuée dans les règles de l’art.

Sources : Dorette Berthoud, Les indiennes neuchâteloises. Neuchâtel : La Baconnière, 1951.

Le Tintabenet

Les cabanes de vignes ont été construites avec toutes sortes de matériaux. Celles qui poussent vers la fin du XIXe siècle et qui servent prioritairement pour les travaux des vignerons, sont en bois parfois en brique ou en béton pour les plus récentes. Elles n’excèdent pas les 10m2. Elles possèdent un toit à un ou deux pans au pied duquel un bassin permet de recueillir les eaux de pluie. A l’intérieur, elles renferment une table à panneau rabattable, un ou deux tabourets, une petite armoire, quelques rayonnages pour empiler quelques produits utiles aux traitements. L’abri est fruste et purement utilitaire. Les plus vieilles datent de la fin du XIXe siècle, voire du début XXe. Ce sont de simples baraques.

En revanche, et ceci dès le XVIIIe siècle, certains propriétaires plus aisés s’en sont construit en pierres de taille. Pour ceux-ci, ces petites maisons servaient de cabinets où ils venaient se reposer, se détendre ou simplement boire un verre de vin au cœur de leurs parchets. Ces constructions-là sont souvent dotées d’une cheminée, de boiseries, voire de fresques. L’iconographie du XVIIIe siècle permet d’en localiser certaines autour de la ville de Neuchâtel. Peu subsistent aujourd’hui.

Parmi celles qui sont les plus représentatives, signalons celle du Bugnon1 au Crêt d’Areuse. Élevé sur la colline du gibet de Colombier, qui surplombait la maison dans laquelle sa famille emménage en 1805, cet extraordinaire pavillon de vigne a sans doute été construit par Claude-Jean-Jacques Bovet (1783-1851), fils de Jean-Jacques Bovet (1756-1811) dans le premier tiers du XIXe siècle. Cette attribution lui revient même si son père est connu dans la chronique familiale pour avoir dépensé une bonne part de sa fortune en murs de vigne, vérandas, cabinet de jardin et gloriettes de tous genres.

La légende ajoute que Claude-Jean-Jacques y montait de temps à autre et signalait, en hissant un drapeau rouge ou blanc, la couleur du vin que devait lui apporter son domestique !

Ce charmant pavillon dit le Tintabenet (Tiens-toi-bien) ainsi que plusieurs salons et vérandas du hameau d’Areuse, contiennent des fresques dont l’auteur est certainement un des maîtres dessinateurs de la fabrique d’indiennes de Boudry, car on y reconnaît, en manière de frise, dans les entrelacs d’un ruban bleu que supportent quatre thyrses dorés, tous les singes, perruches et coquecigrues des tentures à l’arbre ou au perroquet des Bovet.

La construction de ce cabinet de vigne est particulièrement soignée. Il est bâti en pierres de taille de calcaire jaune, percée d’une porte au nord et de fenêtres, sur un niveau inférieur semi-enterré maçonné, toiture à quatre pans couverts de tuiles.

Son intérieur, entièrement peint, représente une tonnelle aux ferrures de laquelle sont attachés singes et oiseaux tropicaux. Le plafond abrite une représentation de Diane chasseresse inspirée de la sculpture Renaissance du château d’Anet liée à Diane de Poitiers.
L’entrée est surmontée d’une aigle serpentaire placée au-dessus d’une vasque florale. Parmi les oiseaux peints, on relève la présence d’un paon et d’un guêpier reconnaissable à sa queue bleue.

Du côté nord, au-dessus de la cheminée en pierre jaune peinte en faux marbre comme l’usage le voulait à l’époque, on remarque une représentation du Centaure chevauché par l’Amour, statue antique du Ier ou IIe siècle, entrée au Louvre dans les premières années du XIXe siècle. Cette référence à la mythologie est placée dans un décor de colonnes surmontées de chapiteaux corinthiens, évoquant des ruines, entrelacées de végétation grimpante. Là, assise sur un muret, une femme vue de dos, attend patiemment le visage tourné vers la droite, un hypothétique amant.

Sur la gauche de l’âtre, au plein milieu des champs, les bergers d’Acadie surveillent leur troupeau à l’écart du village suggéré par quelques constructions.

Côté ouest, sur la gauche de la fenêtre, un personnage tient dans sa main droite un bâton tel une crosse. Pèlerin, berger, il se tient à l’ombre d’un arbre à côté d’un rocher. Quant au paysage figuré sur la droite de la fenêtre, il est simplement montagneux. Sans aucun doute, cet angle a dû connaître au gré du temps des dégradations qui ont sans doute altéré la peinture d’origine.

Sans conteste, c’est la paroi sud qui est la plus intéressante. À gauche de la fenêtre, on remarque une maison coloniale avec au-devant d’elle, un plan d’eau et une barque où se trouvent trois personnages : une femme, un enfant et un homme en costume brun. D’autres personnes se tiennent sur une véranda. Sommes-nous aux Indes ? Tout peut le laisser supposer si l’on s’arrête alors sur la partie droite de cette paroi. Au premier plan se tient un homme avec un chapeau typique des premières années du XIXe siècle. Mais ce qui retient l’attention, c’est le trois-mâts qui porte en poupe un pavillon rouge et blanc orné d’une aigle bicéphale, ce qui laisse penser que ce bateau appartient à la Confédération germanique. Mais ce navire symbolise encore les relations commerciales qui liaient Neuchâtel aux Indes, source des matières premières indispensables au commerce de l’indienne.

Côté, à gauche, on retrouve une femme perdue dans les ruines et à droite, un chasseur et son chien.

Cet ensemble, fort bucolique au demeurant, invite aux voyages, à la chasse, à l’exotisme, à l’amour. Il s’inspire d’une tradition mythologique avec la présence de Diane chasseresse, d’un faune et de bergers, mais aussi de la vision romantique que l’on pouvait avoir alors des Indes et des Tropiques.

Propriété aujourd’hui de l’Honorable Compagnie des vignerons, ce pavillon a fait l’objet d’une restauration complète tant extérieure qu’intérieure. À cette occasion, des investigations historiques ont été menées sans pour autant déboucher sur des certitudes, faute de documents. En l’état de nos connaissances, tout laisse penser que la construction date des années 1820 à 1830.

  1. www.chateaudeboudry.ch voir exposition : baraques de vigne, 2009. Allanfranchini, P. (2014). Le pavillon du Bugnon ou le Tintabenet. Etude de synthèse établie pour l’Honorable Compagnie des Vignerons. Non publiée. []