Le musée de la vigne et du vin
Château de Boudry Ambassade du vignoble neuchâtelois, œnothèque et musée
La main l’outil, le geste
Du 3 octobre 2010 au 31 août 2011
Tel est le titre de la nouvelle exposition qui s’est ouverte le 3 octobre passé au Musée de la Vigne et du Vin du Château de Boudry et qui sera visible jusqu’à fin juillet 2011.
Le vigneron est plus important que la vigne mais sans la vigne il n’y aurait pas de vigneron et sans outils ni gestes appropriés, il n’y aurait pas de culture. En dépassant le simple coup d’œil sur les outils et en cherchant à mieux les connaître, on découvre leur adéquation avec la main pour permettre le geste.
De manière traditionnelle, le vigneron d’hier utilisait deux types d’outils : ceux utiles pour le travail de la terre et ceux qui servent à l’entretien du cep. La première catégorie comprend les crocs, les fossoirs, les piochards, les rablets puis, par la suite, toute la diversité des charrues ; l’autre recense les corbets, les sécateurs, les cisailles, bref tous les couteaux qui permettent le travail de la plante.
Hier, les contrats de vignerons insistaient sur la qualité et le nombre des labours et sur l’importance de la taille. L’exposition focalise donc son attention sur ces deux sortes de travaux, permettant au visiteur de se rendre compte de la diversité des outils qui ont été créés au gré des ans pour permettre au vigneron d’accomplir sa tâche de la manière la plus ergonomique possible.
En regardant de plus près, les outils méritent mieux qu’un simple coup d’œil jeté sur leurs formes. On commence à les connaître dès que l’on se donne la peine d’en étudier leurs fonctions et comment ils remplissent celles-ci tout en gardant à l’esprit que ce sont les mains de leurs utilisateurs qui les animent.
En vertu de leurs fonctions spécifiques, on devient attentif à leur structure, à leur rôle, à leur forme et à l’agencement des différentes pièces qui les composent.
Toutefois, de tous les outils, le plus maniable n’est-il pas la main grâce la position du pouce face aux autres doigts. Grâce à cette capacité de préhension, les maniements deviennent multiples autorisant une immense diversité de gestes qui se sont affinés au gré du temps pour permettre l’accomplissement d’une multitude de travaux.
Prolongement de la main, l’outil est donc indissociable du geste que l’ensemble du corps prolonge. Tout travail exige une posture particulière.
De manière simple, l’exposition cherche à mettre en avant cette adéquation.
Dans sa première partie, elle s’attache à montrer l’évolution des outils aratoires, à savoir pour le Pays de Neuchâtel, les crocs, les fossoirs, les piochards et les rablets, soit les outils spécifiques au premier, deuxième et troisième labour, soit les travaux traditionnels que les vignerons devaient accomplir dans les vignes. Ajoutons qu’avec la fin du 18e siècle, les experts vignerons recommandaient même un quatrième labour. Si ces pratiques ont perduré à travers les siècles, elles ont connu de forts changements au moment où les vignes ont été reconstituées suite à l’attaque phylloxérique. Avec les reconstitutions qui ont donné aux vignes les allures ordonnées qu’on leur connaît aujourd’hui – suppression de la culture en foule – les labours avec des houes ou des charrues ont pu être introduits. L’exposition montre à travers une grande série de photographies des années 20 la diversité des outils qui ont été alors inventés, tirés soit par des chevaux ou des boeufs, puis tractés par des treuils à moteur à explosion. À Neuchâtel, plusieurs maisons se sont lancées dans la fabrication de tels treuils, par exemple les Ruedin qui ont doté leurs machines de moteurs Zedel de 350 cm3, fabriqués alors à Saint-Aubin par une usine qui avait aussi commercialisé des automobiles.
Signalons aussi que les outils à bras fabriqués à l’origine par des forgerons de village sont devenus avec le 20e siècle des produits industriels dus à de petites manufactures comme celle des Fasel à Boudry ou des Glardon à Gorgier. Ces petits fabricants ont développé des modèles pour lesquels il est facile de changer les dents usées. Mais en plus, ces petits industriels ont aussi privilégié toute une réflexion sur les courbures des manches pour que ceux-ci soient les plus ergonomiques possibles.
Dans sa seconde partie, l’exposition s’attache à présenter les lames pour le travail de la plante, à savoir des cisailles, des serpettes et des sécateurs. Dans le pays de Neuchâtel, on appelle la serpette de la taille, corbet. Ceux-ci étaient utilisés pour tous les travaux de coupe: taille, rognage, vendange. Ils étaient les outils par excellence des vignerons et ces derniers les avaient sans cesse avec eux sauf lorsqu’ils devaient se rendre au culte le dimanche ou qu’ils allaient dans des cabarets où là leurs ports étaient prohibés pour que les rixes potentielles ne dégénèrent pas.
Avec le milieu du 19e siècle, les corbets vont être peu à peu supplantés par les sécateurs qui ne sont au départ que la rencontre de deux lames de serpes mises ensemble. En regardant les premiers sécateurs, on se rend compte que leurs manches sont droits. Afin de les rendre ergonomiques, ces derniers ont acquis peu à peu des formes qui épousent la paume de la main. Aujourd’hui, les grands fabricants de sécateurs portent une attention particulière aux formes des manches pour éviter à leurs utilisateurs des problèmes physiques.
Cette exposition qui se clôt sur la présence d’un tableau de Gustave Jeanneret figurant le vigneron et son croc, le paysan et sa faux et la paysanne et son panier, est donc un hommage à la diversité des outils qui au gré des siècles ont permis aux hommes d’accomplir des gestes précis pour tirer de la terre les fruits qu’elle peut donner et plus particulièrement des ceps, les raisins qui sont ensuite transformés en vin.