Le musée de la vigne et du vin

Château de Boudry Ambassade du vignoble neuchâtelois, œnothèque et musée

Theynet, trop modeste pour être compris

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Au château, le Musée de la vigne et du vin propose une exposition temporaire d’œuvres de Max Theynet, le mal aimé, l’oublié. Une occasion de prendre ou de reprendre conscience du talent d’un Neuchâtelois très (trop?) modeste.

«Max Theynet ne suscite que peu d’intérêt chez les historiens de l’art! Il a la même tare que d’autres peintres de chez nous: il est Neuchâtelois!», commente, faussement désabusé, Patrice Allanfranchini, conservateur au château de Boudry. Par l’exposition temporaire qu’il offre ces temps aux hôtes du Musée de la vigne et du vin, Patrice Allanfranchini prouve à ses collègues – car lui aussi est historien de l’art – qu’ils ont tort. Les peintures de Theynet forcent le respect, enchantent, envoûtent. La puissance de ses huiles, un «hymne à la peinture brute» comme l’écrit le conservateur amoureux des peintres régionaux, se révèle dans cette quarantaine d’œuvres issues d’une collection particulière dont le propriétaire a décidé de se séparer.

Max-Robert Theynet est né à Colombier le 18 avril 1875. Au terme de sa scolarité, l’appel de la création picturale sera le plus fort et l’accompagnera durant son existence: «La vie de Max Theynet s’est passée toute entière à ressentir et à exprimer cette joie», explique Patrice Allanfranchini en marge de l’accrochage. Car une fois encore, au plafond de la salle d’exposition, défilent les diapositives des œuvres de l’artiste, encadrées de commentaires; cet effort didactique permet au visiteur de Theynet de prendre conscience de la démarche du peintre et de découvrir des détails passés inaperçus en déambulant devant les tableaux.

Theynet le modeste

Après trois années d’études de peinture à Saint-Gall, Max Theynet installera son atelier à Zurich, puis à Paris où il fréquentera les cours de Luc-Olivier Merson, peintre renommé du Salon des artistes français et médaillé d’or à l’Exposition universelle de Paris, en 1889. Des cours que seuls les plus talentueux sont autorisés à fréquenter, mais Theynet n’en parlera jamais, sa discrétion étant désarmante: «Il avait, comme Paul Bouvier, cette modestie qui ne trompe pas: la modestie de ses prix. Il ne facturait ni le talent, ni le génie, mais seulement le travail de l’ouvrier», admire Patrice Allanfranchini, qui ajoute cette anecdote: «Un jour, mon grand-père a rencontré Theynet au sortir du bateau en provenance de Cudrefin, dont il avait peint l’ancienne porte. Mon grand-père, grand admirateur du peintre, a souhaité lui acheter le tableau qu’il venait de faire. ‘Donne-moi cent sous’ lui a répondu le peintre», lui cédant sur le champ le fruit d’une journée de labeur. A titre de comparaison, on peut lire, dans le catalogue des œuvres exposées au Musée des beaux-arts du Locle, en septembre 1913, qu’une peinture du même Theynet, ‘Automne’, était vendue à 200 francs de l’époque. Après six années à Paris, Theynet, imperméable aux mondanités de la capitale française, avait en effet décidé de rentrer à Colombier, d’où il ne cessera de peindre, son chapeau vissé sur la tête, jusqu’à la fin de sa vie, en 1949.

À la spatule

Il faut donc aller voir les huiles impressionnistes de Theynet, débordantes de matière principalement posée à la spatule, éclatantes des couleurs des saisons. Car «sa peinture est fille de la nature», image encore Patrice Allanfranchini. «Il serait plus exact de dire qu’elle est fille des couleurs de la nature.» L’exposition est ouverte jusqu’au 15 mai et il est donc possible d’y acheter, à des prix qui permettront à tout un chacun de posséder une œuvre de cet «oublié mal aimé», comme évoqué par Patrice Allanfranchini. Dans l’attente de la publication que ce dernier se promet de faire pour honorer le travail de ce trop humble artiste.

Jacques Laurent
Littoral Région du 9 avril 2021