Le musée de la vigne et du vin
Château de Boudry Ambassade du vignoble neuchâtelois, œnothèque et musée
Acte de fondation de la Compagnie des Vignerons
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Henry Jules de Bourbon, Prince de Condé, Curateur honoraire de Monsieur le Duc de Longueville, notre Cousin, Prince souverain des Comtés de Neuchâtel & de Valangin en Suisse, & ca, à tous présent & venir, Salut. Les Quatre Ministraux Conseil & Communauté de la Ville de Neuchâtel nous ont très humblement remontré par l’entremise de notre cher & bien aimé le Sieur d’Affry Gouverneur & Lieutenant Général ès dits Comtés, que les Vignes, qui sont le plus fort de leurs revenus, étant la plupart mal cultivées, tant par l’ignorance des vignerons qui les travaillent, que par leur négligence & mauvaise foi, il seroit extrêmement difficile d’y apporter le remède nécessaire à cause que la plus grande partie des possesseurs n’ont pas toujours connaissance des fautes que ces vignerons y commettent, tant par le défaut d’un bon et fidèle labour, que parce qu’ils ne prennent pas la peine de les visiter, cela n’étant pas de leur possession; outre que quand même ils en auroient la connaissance, la voie de la Justice étant trop sujette à tergiversations & longueurs, il est bien difficile d’en obtenir la réparation de satisfaction convenable; que cet abus tournoit même au grand préjudice de Monsieur le Duc de Longueville, notre Cousin, tant à l’égard de ses vignes moiteresses, que des Dixmes qu’il perçoit, qui seroient d’un plus grand revenu, s’il y étoit pourvu; mais qu’ils ne jugent pas qu’on puisse le faire plus convenablement que par l’établissement d’une Compagnie de Vignerons, par le moyen de laquelle on pourroit retrancher ces désordres et prévenir la perte & le dommage de tout le public, qui autrement en résultera nécessairement toujours: et pour cet effet, ils nous ont très humblement supplié de leur accorder la permission d’en ériger une, qui fut autorisée de notre part, reconnaissant que sans cela, ils n’ont pas le pouvoir ni le droit de le faire. C’est pourquoi comme nous n’avons rien tant à coeur que la conservation des biens de notre dit cousin & l’augmentation de ses revenus, aussi bien que celle de tous ses sujets & que la Justice leur soit sommairement & brièvement administrée à l’égard des choses qui leur sont essentielles & en plus grande considération & utilité; et désirant d’ailleurs de répandre avec abondance les grâces & les faveurs sur lesdits Quatre Ministraux, Conseil & Communauté de la Ville de Neuchâtel, en leur donnant de nouvelles marques de notre affection, Nous avons incliné à leur requête selon le désir que nous avons de les favorablement traiter, et par ce moyen nous leur avons permis & accorde, permettons & accordons d’ériger & d’établir dans la Ville de Neuchâtel une Compagnie de Vignerons, laquelle pourra s’assembler selon la nécessité des affaires qui se présenteront, sans aucune opposition des Officiers de notre dit Cousin, aux Droits de souveraineté, autorités, prééminence duquel néanmoins nous n’entendons pas déroger, voulant qu’en ceci, comme en toutes autres choses, elles restent & demeurent perpétuellement inviolables, et que pour ce dessein, la dite Compagnie puisse élire un Advoyer, de trois en trois ans, qui ait serment à notre dit Cousin, lequel Advoyer fera faire la première année élection pour la dite Compagnie de deux maistres qui exerceront le dit office pendant le dit tems au bout duquel on procédera à l’élection d’un nouveau maitre pour succéder à celui des deux qui sortira de l’Office.
Et afin que la dite Compagnie soit revêtue & conduite par tous les Officiers qui lui sont nécessaires, elle pourra de même élire six visiteurs annuellement, avec un secrétaire & un sergent, lesquels se changeront suivant les occurrences de tems & quand sera besoin.
L’advoyer, de l’avis des maitres, convoquera la Compagnie quand il s’agira de résoudre sur les moyens de lui procurer de l’utilité & d’éviter son dommage, de même que les affaires qui regarderont les membres particuliers qui la composeront, quand ils en seront par eux sommés & requis, à laquelle Compagnie il présidera & empêchera que rien ne s’y fasse en confusion ni désordre.
Il ordonnera deux visiteurs aux parties plaignantes qui lui en demanderont, lesquels auront la faculté de prononcer sur le fait de la bonne ou mauvaise culture des vignes & d’en estimer & mettre à prix les dommages & intérêts: mais si l’une des parties ne vouloit s’en tenir à leur jugement & s’en sentoit grevée & demandoit révision d’icelui, alors il ordonnera les quatre autres visiteurs qui seront joints aux deux premiers; et ce qui aura été jugé par les six visiteurs, sera d’abord exécutoire sans aucune opposition ni appel.
Toutefois si dans quelque contestation, il se trouve quelqu’un des visiteurs qui soit parent des parties, l’Advoyer, en ce cas, nommera en leur place d’autres visiteurs, parmi ceux qui auront été en charge les années précédentes, qui ne soient ni parent, ni suspect.
Quand on aura fait raport au dit Advoyer de quelque défaut commis par un vigneron, il aura soin d’en avertir promptement son maitre, sans toutefois nommer celui qui aura fait le rapport, afin de ne pas donner lieu à des inimitiés & des querelles.
Tous les Bourgeois de la Ville de Neuchâtel seront reçu dans ladite Compagnie quand ils présenteront à l’Assemblée, mais ils seront sujets à la pluralité des voix; et dans l’élection des visiteurs, les suffrages se donneront toujours aux plus capables, et ils seront choisis entre ceux qu’on estimera avoir le plus d’intelligence dans le travail de la vigne & d’en savoir mieux connaître les défauts & les manquements, et tous seront tenus de dénoncer à l’Advoyer les vignerons qui seront trouvés travaillant les vignes de leurs maitres en mauvaise saison ou bien y commettant quelques défauts.
Les six visiteurs se transporteront trois fois l’année dans toutes les vignes du ban de la Ville de Neuchâtel, la première fois quand elles auront été fossoirées du hoyau, afin qu’ils puissent reconnaitre si elles ont été bien taillées et labourées dans les deux premières saisons. La seconde lorsqu’on les aura provignées, afin de voir si les fosses ont été bien faites et fumées. Et la troisième fois, après que la culture des vignes sera achevée, pour voir si on les a ébourgeonnées, passelées, relevées et fossoiées comme il faut.
Si au cas que les dits visiteurs trouvent quelque défaut et que quelqu’un ait manqué à la culture des dites vignes, ils en feront le raport à l’advoyer, et sur les différents qui pourroient survenir entre les maitres et les vignerons pour raison des dites cultures, les dits visiteurs se transporteront conjointement avec les dits maitres et vignerons sur les lieux, et après avoir le tout duement examiné, ils déclarerons en bonne conscience et sans support les déffauts qu’ils trouveront dans la ditte culture et la valeur du dommage que le maitre en aura souffert et pourra encore souffrir à l’advenir.
On payera pour le salaire de chaque visiteur quatre batz pour sa journée, qui leur seront délivrés comptant par celui qui les aura demandés à l’advoyer, avant que d’aller sur les lieux du différend ou ils prononceront la sentence aux parties qui devra contenir les raisons du jugement qu’ils rendront, et la somme qu’ils adjugeront pour le dommage, mauvaise culture, que pour frais, si quelqu’une des parties se croioit grevée, et vouloit demander révision du dit jugement, elle sera obligée de le déclarer sur le champ, et de faire faire incessamment la ditte révision; même dés le lendemain, (…), à moins qu’il ne s’y trouve quelque empêchement légitime.
Les vignerons qui prendront les vignes d’autrui à cultiver prêteront serment de les labourer avec le même soin que si elles leur appartenoient en propre, et de ne permettre que d’autres les endommagent soit par anticipation sur icelle, en attirant la terre de son voisin, soit en emportant les eschalats ou en quelqu’autre manière que ce soit, mais d’en avertir promptement leur maitre afin qu’il y puisse remédier. Là enfin de rapporter à l’advoyer les autres vignerons qu’ils auront vus ou qu’ils sauront avoir mal cultivé les vignes qu’ils auront entreprises de labourer.
Le dommage provenant du deffaut de culture étant reconnu, il sera rabattu sur le salaire des vignerons et s’ils l’ont déjà reçu, ils seront tenus de le restituer à l’évaluation et taxe des dits visiteurs.
Ceux qui seront reçus dans la ditte compagnie des vignerons payeront sept livres et demie pour leur réception et ceux qui prendront des vignes d’autrui à cultiver payeront les deux tiers des sept livres et demie prestant le serment.
Les advoyers, secrétaire, visiteurs et sergent et ceux qui entreront dans la ditte compagnie presteront le serment entre les mains du Maire de la ditte Ville de Neuchâtel, mais en cas d’absence du dit Maire ou de son lieutenant, le dit Advoyer pourra recevoir le serment de ceux qui seront admis dans la ditte Compagnie lorsqu’elle sera assemblée, comme aussi des vignerons.
Et afin que le tout réussisse à l’honneur de notre dit Cousin, et au profit et augmentation de toute la Ville de Neuchâtel, nous avons ordonné à notre amé et féal le Sr d’Affry, Gouverneur et Notre Lieutenant général de la ditte Souveraineté de Neuchâtel et Seigneurie de Vallangin, de tenir la main à ce que les présentes soient exécutées en tout leur contenu, après qu’on aura réglé le formulaire de serment, que chaque officier de la ditte Compagnie et les entrants en icelle sera tenu de prester; dans lequel les droits d’autorité et prééminence de notre dit Cousin seront réservés et toute la fidélité à son service promise. En témoignage de quoi, nous avons signé ces présentes et icelles, fait contresigner par notre Conseiller et Secrétaire ordinaire de nos commandements et y apposer le cachet de nos armes. Donné à Versailles, le seizième jour du mois de Juillet, L’an Mil six cent quatre vingt sept.