Le musée de la vigne et du vin

Château de Boudry Ambassade du vignoble neuchâtelois, œnothèque et musée

Cent deux ceps pour six cépages

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Le ban des vendanges et le Clos du Musée

La petite vigne du Musée de la vigne et du vin au Château de Boudry ne contient que cent deux ceps des six cépages autorisés dans le canton de Neuchâtel, Sans être représentative du vignoble neuchâtelois, elle n’en est pas moins emblématique. A cet égard, sa vendange se doit d’être symbolique et empreinte de dignité et de tradition.

Parmi les traditions qui marquent les vendanges en Pays neuchâtelois, il en est une qui remonte à des temps immémoriaux: celle du ban des vendanges. C’est dans l’article 12 de la Charte de franchises de 1214 qu’il faut rechercher l’origine du ban des vendanges. Pour se préserver des maraudeurs mais surtout des vendanges clandestines, les comtes établirent un ban de vendanges afin que la récolte se fasse selon un ordre bien établi, quartiers par quartiers et que les dîmeurs puissent suivre les troupes de vendangeurs et prélever immédiatement leur dû.

À l’origine, c’était le comte lui-même qui décidait de l’ouverture de la vendange. Avec le temps, il délégua ce pouvoir au maire, qui était son représentant direct en ville de Neuchâtel.

Le temps de l’officialité

Avec le temps, la procédure du ban se solennisa et se structura. Durant le mois de septembre, les Quatre Ministraux convoquaient le Conseil Étroit, soit le Petit Conseil de la Ville. Composé de 24 membres, il constituait soit la Cour de justice de la ville, soit l’organe législatif seul habilité à décréter les points de coutume. Il pouvait à la fois être présidé par le maître-bourgeois en chef ou par le maire lorsqu’il siégeait en qualité de cour de justice ou qu’il nommait les garde-vignes et les preud’hommes et mettait le ban. Les preud’hommes ou visiteurs jurés, chargés de rendre compte de l’état de la maturité du raisin, étaient choisis à raison de deux parmi les membres du Conseil Étroit et de deux issus des membres du Grand Conseil ou Conseil des Quarante. Ceux-ci entraient alors immédiatement en fonction. Après une prernière visite du vignoble, ils présentaient un rapport aux Quatre Ministraux sur l’état de maturité du raisin. On leur enjoignait d’effectuer une seconde visite afin qu’ils se prononcent sur «le jour auquel il convient de mettre le ban». Il faut entendre par là la levée du ban, soit le début des vendanges. La mise du ban s’effectuait fin août ou début septembre avec l’entrée en fonction des gardes-vignes ou brévards, surveillés par deux membres des Conseils, qui avaient rang d’officiers-brévards.

Dès que cette visite était faite, le Conseil Etroit s’assemblait à nouveau pour écouter le rapport des quatre preud’hommes. Après lecture, les deux représentants du Grand Conseil devaient se retirer car seuls les membres du Conseil Etroit étaient habilités pour se prononcer sur le jour du début des vendanges. Le Maître-Bourgeois en chef requérait alors que «le ban des vendanges soit mis et crié suivant la coutume et conformément à nos franchises et libertés».

Ensuite, à l’exception des Quatre Ministraux, soit les autorités exécutives, tous se rendaient au logis de l’Aigle noir pour délibérer encore sur le cas. La délibération faite et la décision prise, tous les membres du Conseil Etroit retournait à l’Hôtel de Ville où, sous la présidence du maire, le doyen du Conseil annonçait le jour fixé pour le début de la récolte pour les divers quartiers du vignoble. Ceci fait, les quatre Maîtres-Bourgeois, précédés des sauthiers, allaient faire les proclamations publiques du ban des vendanges aux endroits coutumiers. L’annonce ancienne de la publication du ban était formulée ainsi: «Voyés, seigneurs, les raisins sont meurs», le sauthier du maire tenant dans sa main une grappe de raisin, démonstration de cette assertion.

La cérémonie du ban se terminait à l’auberge de l’Aigle noir où le cabaretier devait préparer un repas pour trente personnes environ.

Les vendanges

Aux jours prescrits, les vendanges pouvaient commencer. Elles devaient pourtant suivre un ordre bien défini. D’abord, on vendangeait les vignes dites privilégiées deux jours avant l’ouverture générale du ban. Ensuite, les vendangeurs pouvaient se rendre dans les autres parchets, à l’exception de ceux des Draizes, Tombet, Deurres et Repaires, qui étaient vendangés en dernier.
A l’origine, les dates de vendanges prescrites à Neuchâtel déterminaient le début des vendanges pour l’ensemble du vignoble. Avec la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle, certaines communautés, à l’instar de Saint-Blaise, reçurent l’autorisation de mettre leur propre ban. Après 1848 et la chute de I’ancien régime, c’est l’honorable Société des vignerons qui fut chargée de cet office. Aujourd’hui, le ban dépend de l’autorité communale.

De nos jours

Il est clair que l’utilité du ban a beaucoup perdu avec la disparition de la dîme. Sa survivance peut désormais choquer. Toutefois, il reste le garant de la qualité de la maturité du raisin. À ce titre-là, il mérite d’être appliqué et respecté.
Si les cérémonies officielles de levée du ban des vendanges ont aujourd’hui quasiment disparu et que ces dernières sont devenues affaire de professionnels, il convenait au Musée de la vigne et du vin de réactiver une tradition dont l’intérêt économique était prépondérant pour la majeure partie des habitants du Vignoble. Ayons toujours à l’esprit que, jusqu’à l’aube du XIXe siècle, la vigne était l’activité principale pour la population du Littoral!

Le retour de la tradition

Ainsi il est nécessaire que la vendange du Clos du Musée devienne emblématique de I’ouverture des vendanges neuchâteloises, en tout cas du point de vue médiatique. Pour ce faire, divers critères ont été définis: à savoir que cette vendange doit avoir lieu juste avant la levée des bans ou au tout début des vendanges, qu’une personnalité de premier plan soit le vendangeur officiel, qu’une gerle déco rée par un artiste reçoive les raisins et que la presse rende compte de cette cérémonie.

Des hôtes de marque et des artistes

Ainsi, le 29 septembre, après M. Michel von Wyss et M. Roy Hodgson, c’est M. René Felber, ancien président de la Confédération, qui nous a fait l’honneur d’ouvrir ainsi les vendanges 1994 en compagnie de Miss Fête des vendanges, Mlle Patricia Zumsteg, en versant le raisin dans la gerle de cette année, décorée par l’artiste Jean-René Moeschler, qui succède dans cette tâche à Jean-Michel Jaquet, Armande Oswald et Yvan Moscatelli.
Cette récolte s’est faite devant un parterre de personnalités en présence des dignitaires de la Compagnie des Vignolants, de membres de la Compagnie des Olifants et de l’Ordre bienfaisant des Goûte-Vins.

Une terre, un produit

La vigne, cultivée par Frédéric Meisterhans, a produit en tout 90,5 kilos de raisin. Le Pinot noir titrait 83 degrés Œschlé; le Chasselas, 70,6 degrés; et pour les spécialités, le Pinot gris, 82,1 degrés; le Gewurztraminer, 87,4 degrés; le Riesling x Sylvaner, 77,6 degrés et le Chardonnay, 91,9 degrés.

En guise de vœux

Ainsi, en un temps où beaucoup de traditions disparaissent, cette cérémonie d’ouverture des vendanges doit être comprise comme un geste purement symbolique. Il serait en effet faux de considérer que cette vendange est représentative de l’ensemble du vignoble neuchâtelois. Bien au contraire, elle doit simplement servir d’indicateur, tout en revêtant au gré des années un caractère d’apparat grandissant pour que dans l’esprit du public et des médias, elle marque bien l’ouverture officielle des vendanges neuchâteloises.