Le musée de la vigne et du vin
Château de Boudry Ambassade du vignoble neuchâtelois, œnothèque et musée
Du «Lavaux» à Soleure!
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Parmi les fonds d’archives les plus intéressants, eu égard à l’histoire du vignoble, il faut signaler le «fonds d’Estavayer» qui est déposé aux archives de l’État de Neuchâtel. Dans ses fort nombreuses pièces comptables, on peut découvrir celle qui fait l’objet du présent article: «le Mémoire de la dépense que le lieutenant Vallon a fait pour charrier du vin de Lavaux jusqu’à Cressier». (Fonds d’Estavayer, dossier 168)
La famille de Mollondin possédait plusieurs domaines viticoles importants, tant à Cressier, au Landeron, à Auvernier qu’à Colombier. De plus, elle s’était aussi porté acquéreur de quelques arpents de vigne du côté de Villette si bien qu’elle devait faire transporter ce vin-là des coteaux du Lavaux en ses caves de Soleure.
Le lieutenant Vallon fut chargé de s’occuper de ce transport pour le vin de 1651 et sa note de frais nous est parvenue.
Par trois fois, Vallon s’est rendu à Villette. Lors des vendanges, il est allé surveiller la récolte. Après la fermentation, il est retourné vérifier l’état de maturation du vin. Quant au transport proprement dit, il l’a effectué entre le 27 février et le 2 mars 1652, date de l’arrivée des vins en ville de Soleure.
Le voyage
C’est par voie de terre que le vin est tout d’abord parti. Le 27 au soir, Vallon a payé 12 florins pour le souper de ses charretiers dont le nombre n’est pas donné.
La matinée du 28 fut consacrée au chargement des chars. Trois florins récompensèrent ceux qui donnèrent un coup de main pour avoir «décavé» les vins. Le repas de midi pris à Villette coûta sept florins. Au début de l’après-midi, le charroi s’ébranla en direction d’Echallens. Vallon dut s’acquitter de 9 sous au péage de «Ruca. che». Quant au repas du soir pris dans un lieu non précisé, il revint à 12 florins 9 sous.
Au cours de la journée du jeudi, les chars empruntèrent la route qui d’Echallens mène à Yvonand, en passant par Fey, Bercher, Biolley-Magnoux, Donneloye. Dix florins furent payés pour le repas de midi, cinq pour du pain et du fromage pris à Donneloye. Vallon dut encore payer un florin pour les péages d’Echallens et de Donneloye. Le soir, le repas pris à Yvonand lui revint à dix-huit florins. Les charretiers terminaient-là leur travail.
Par voie d’eau
Le vendredi 1er mars, les barriques furent transbordées à bord d’une de ces grandes barques qui assuraient autrefois les transports sur les eaux du lac de Neuchâtel. Par voie d’eau, le vin pouvait alors être acheminé à Cressier et, de là, à Soleure. Les bateliers demandèrent vingt livres pour effectuer ce transport entre Yvonand et Cressier. Quant au lieutenant Vallon qui devait cheminer à cheval, il rentra à Cressier en passant par Chez-le-Bart où il dépensa à l’auberge un florin et six sous pour se sustenter.
Le 2 mars au soir, le vin arrivait à Soleure.
Le coût de cette opération
Le compte final du lieutenant Vallon se monte à nonante-deux florins, à quoi il faut ajouter vingt livres. Le florin équivaut à quatre batz. Quant à la livre, est-ce la livre forte de dix batz ou la faible de quatre batz, le texte ne le précise pas.
Signalons simplement qu’à cette époque, un journalier, qui travaillait au champ ou la vigne, touchait quatre batz par jour plus un pot de vin pour sa peine.
En transformant ce compte en batz et en admettant qu’il s’agisse de livres faibles, Vallon a dépensé dans cette expédition quatre cent quarante-huit batz, somme considérable pour l’époque, même si six journées ont été nécessaires pour mener à bien ce transport.
Malheureusement, le texte ne mentionne pas la quantité de vin qui fut ainsi transporté ni où et comment les charretiers logeaient. Le nombre de chevaux et de chars reste inconnu. Rappelons finalement qu’en deux jours et demi, fut parcourue une distance d’environ cinquante kilomètres, ce qui fait des étapes de vingt kilomètres par jour! A ce rythme, une vie n’aurait pas suffit pour nous faire connaître par exemple les vins des antipodes.