Le musée de la vigne et du vin
Château de Boudry Ambassade du vignoble neuchâtelois, œnothèque et musée
Le journal l’Hardy
Cliquez sur le bouton ci-dessous permet de télécharger la publication au format PDF.
Les extraits suivants sont tirés du Journal d’Auguste Lardy d’Auvernier ; ils vont de juillet 1819 à mai 1820 et de septembre 1834 à mars 1836.
La famille L’Hardy ou Lardy d’Auvernier est connue dès le XIVe siècle. Elle était propriétaire de nombreuses vignes et le journal de cette famille, cité par divers auteurs, semblerait être une des sources importantes pour connaître la vie quotidienne des vignerons d’autrefois. Malheureusement, les recherches que nous avons conduites jusqu’à ce jour se sont révélées infructueuses et nous n’avons pas pu retrouver ce document à l’exception des éléments du journal qui ont été déposés aux Archives de l’État de Neuchâtel. C’est de là que sont tirés les passages suivants en lien avec la vigne.
Il s’agit en fait de notes brutes en non de passages entièrement recopiés.
À propos d’anciens cépages :
Les Iselets et Ossards [l’ysèle et le haussard étaient des vieux cépages locaux] viennent partiellement et même tout à fait dans les mauvais terrains tandis que le bon blanc s’y languit dans les mauvais terrains.
Le plant de vigne appelé GROS ROUGE [le gamay] ou gros rouge de Bourgogne donne dans notre pays, même dans les endroits les mieux exposés un vin détestable; mais ce plant est très productif. En 1819, année de bon vin, nous avons pressuré ces raisins à part et le vin en très mauvais. Nos Isselets et Ossardes sont des nectars en comparaisons.
Pour du vin mousseux :
Pour faire mousser le vin, Jean Henry L’Hardy met dans chaque bouteille un petit morceau de sucre d’orge et il mousse beaucoup, non seulement le premier verre qu’on verse.
À propos des millésimes :
Dans le Vignoble, on boit toujours les vins nouveaux et les mauvais vins; au Val-de-Ruz & hors du Vignoble, c’est toujours des vins vieux des bonnes années. En 1835, on buvait hors du Vignoble avant le soutirage que des 1832 et 1833. En 1836, on ne boit que des 1834 & pas de 1835; en sorte qu’il faut toujours des vins vieux des bonnes années. On considère donc les vins qui ont plus d’une année comme vins vieux.
Auguste L’Hardy confirme:
En août 1835, je mis en bouteille environ 800 bouteilles de vin de 1834 de choix. Le vin travaillait dans les bouteilles qu’on a entassées de suite. Des bouteilles sautoient déjà en entassant. Etant dans le cas de remuer des bouteilles d’une case d’environ 80 bouteilles, j’en ai trouvé 29 cassées dont 3 à 4 non vuidées mais coulant étant cassées: je remarque que le verre des bouteilles de Semsales est plus cassant que le verre de France Vieille Loye et Bélieux. Je ne remettrai jamais en bouteilles si vite: il faut attendre les fraîcheurs de septembre ou bien au mois de mars suivant, alors le vin est vif et ne dépose pas dans les bouteilles; il faut laisser faire le vin mousseux à Mrs Bouvier et autres. On dit qu’il ne faut pas d’abord entasser les bouteilles après les avoir bouchées.
Il précise encore:
Il est de fait que nos vins mis jeunes en bouteilles sont meilleurs et se gardent beaucoup plus longtemps que quand on attend trop tard. Il faut que le vin soit parfaitement limpide pour le mettre en bouteilles surtout en mars sur sa lie et pour y parvenir, il faut le mettre en perse pendant quelque temps et en tirer de temps en temps quelques bouteilles; alors il s’éclaircit plus promptement.
Et il ajoute:
Le goudron pour goudronner les bouteilles se vend chez les apothicaires à 5 batz la livre; on le fond dans une casse & on l’entretient chaud sur un chaudron de braise; étant fondu on plonge un peu le bout de la bouteille dedans, on tourne un peu la bouteille dedans puis en sortant la bouteille on la tourne encore pour que le goudron fondu et chaud reste sur le bouchon & ne coule pas par terre. Cette opération va très vite quand on a l’habitude. Le goudron donne un peu de relief au vin & à la bouteille & surtout conserve le bouchon contre les vers qui les rongeraient, surtout le vin destiné à garder longtemps.
Tous ces renseignements sont précieux pour la connaissance des pratiques viti-vinicoles d’autrefois. Il est donc regrettable que l’entier du journal L’Hardy reste introuvable car une lecture intégrale pourrait apporter beaucoup pour l’histoire de la vigne en pays de Neuchâtel. Puisse-t-il réapparaître un jour, tel est notre vœu.
Patrice Allanfranchini
Conservateur du Musée de la vigne et du vin
Château de Boudry.