Le musée de la vigne et du vin
Château de Boudry Ambassade du vignoble neuchâtelois, œnothèque et musée
Les vendanges à St-Jean au début du XIXe
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Les vendanges à St-Jean au début du XIXe1
Sur une île formée par deux bras de la Thielle s’élevait l’ancienne abbaye de St-Jean. Celle-ci, de neuchâteloise à l’origine, est devenue bernoise au cours des temps. Léon Montandon2 en a évoqué l’historique dans un article du Musée Neuchâtelois, nous n’y reviendrons pas.
Au début du XIXe siècle, par l’intermédiaire d’un intendant, Leurs Excellences de Berne administrent donc les terres et les dîmes qui reviennent de droit à cet ancien monastère sécularisé à la Réforme.
Parmi les nombreux biens gérés par St-Jean, nous dénombrons une dîme au Landeron, un domaine de vignes moiteresses plus quantité de parcelles sises entre Neuchâtel et Le Landeron qui ne font pas l’objet d’un bail à moiteresse mais qui sont cultivées par des vignerons3 salariés qu’on appelait communément vignerons de Berne.
Les vignes moiteresses qui recouvrent une superficie de 192 ouvriers (352 m2) sont remises à des particuliers qui les cultivent sur le même pied que celles dépendantes du domaine du Prince, c’est-à-dire que tous les frais de culture sont pris en charge par le tenancier qui, pour sa peine, ne retire que la moitié des fruits, I’autre revenant au propriétaire. Lors des vendanges, les moiteressiers, après contrôle de leur récolte, doivent faire charrier, à leurs frais, la part du propriétaire vers ses pressoirs. Quant au reste des vignes, elles recouvrent 358 ouvriers et elles sont mises en valeur par onze vignerons salariés.
Par conséquent, I’intendant administre un domaine de 550 ouvriers, soit 19,35 hectares.
Une belle récolte
En 1827, ces 550 ouvriers ont produit 2271 gerles, ce qui donne un rendement moyen d’environ 4 gerles à l’ouvrier. Cependant, il convient de souligner que cette année fut particulièrement favorable, tous les almanachs le confirment.
Pour connaître avec précision le nombre de gerles récoltées cette année-là à St-Jean, il faut encore ajouter le produit de la dîme qui, après déduction des gerles données en paiement à diverses personnes du Landeron, s’élève à 1841 gerles. Ainsi la récolte totale se monte à 4112 gerles.
Si, par hypothèse, on admet que ces gerles aient été mises en vente sur le marché au prix fixé par la Seigneurie4 (84 livres le muid), L.L.E.E. auraient encaissé pour cette vendange la somme brute de 69.081 livres. Toutefois, en aucun cas, on ne peut prendre en considération un tel chiffre car, en réalité, seule une partie de la vendange a été vendue à des Neuchâtelois, propriétaires et négociants, par exemple, les caves de la Rochette.5
Finalement, la grande majorité de la récolte, en l’occurrence 2635 gerles, est charriée vers St- Jean où elle sera pressée et mise en tonneaux. Nous ne connaissons pas le sort du vin ainsi fait mais nous pouvons raisonnablement penser qu’il est écoulé dans le canton de Berne et que son prix de vente est plus élevé qu’à Neuchâtel.
Méthode et efficacité
Venons-en maintenant au déroulement même d’une vendange à St-Jean.
Pendant trois semaines environ, une immense activité agitera le cœur de toute une région. Les artisans6 abandonnent leurs établis pour le corbet, la brande, le fouloir… Chacun se met à l’unisson pour suivre le rythme des vendanges.
L’intendant de St-Jean doit trouver du personnel car l’arrivée de plusieurs milliers de gerles demande méthode et efficacité. Une cinquantaine de personnes7 trouvent alors du travail, soit comme inspecteurs de pressoir, suiveurs de troupe, charretiers, pressureurs, dîmeurs. Dans cette énumération ne sont pas compris les vendangeurs car ceux-ci sont directement embauchés par les vignerons qui sont astreints à vendanger leur domaine par leurs propres moyens et à leurs frais.
Cependant les vendanges ne commencent pas avec l’arrivée de la première gerle. Il faut auparavant préparer le matériel vinaire afin que tout soit propre8 et en état de fonctionner. Un inventaire des pièces défectueuses est dressé.
Et pour que tout soit correctement fait, il faut qu’un mesureur juré ait préalablement étalonné tout le matériel.
Un ordre bien établi
Dès la rupture du ban, la vendange peut commencer. Celle-ci progresse selon un ordre bien établi afin que la dîme puisse être encaissée au fur et à mesure. Les dîmeurs suivent les vendangeurs et prélèvent dans chaque gerle leur dû, grâce à un seillot d’une capacité d’un onzième de gerle.9
Un suiveur de troupe accompagne chaque vigneron et, à l’aide d’une rande, instrument qui permet de mesurer le contenu des gerles, il comptabilise sur un carnet le produit de la vendange de chaque domaine.
Ensuite les gerles non vendues à des particuliers sont charriées vers St-Jean. Au gros des vendanges, six chars à brecets sillonnent les routes, amenant jusqu’à trois cents gerles par jour aux pressoirs.
Là, les pressureurs s’activent autour des six pressoirs et, dès l’aube jusqu’au plus profond de la nuit, ils actionnent les tourniquets afin d’extraire en plusieurs pressées le jus des raisins qui emplit peu à peu les tonneaux.
Et pendant plus de trois semaines, les mêmes gestes se répètent. Chaque soir, il faut allumer les chandelles et faire grincer la vis afin d’obtenir le marc.
Une période attachante
Les vendanges d’autrefois touchaient toute la population. Celles de St-Jean ne sont qu’un exemple parmi d’autres même si elles nécessitaient le recours de plus d’une centaine de personnes en tenant compte des vendangeurs.
Laissons notre imagination voguer afin de retrouver au plus profond de nous-mêmes les chants, les rires et même parfois les disputes qui donnaient à cette période de l’année le piment et le sel de la vie vigneronne
Série rentiers: Landeron R 25, R 26 à R 29 (Dîme en vin), R 31 (Dîme de Cressier 1835- 1848)
Frienisberg R 3, R 4, R 5
A Frienisberg en 1826, il y a 6 pressoirs
Il n’y a que 6 seilles et il en faut au moins 8 pour pouvoir mettre en même temps sur les 4 pressoirs
Il n’y a que un robinet à cuves en bois et deux en cuivre pour onze cuves. Il faut donc en acheter 8 en bois; ceux-ci vont mieux que ceux en cuivre. Ils coûtent 6 batz.
Il n’y a que trois crocs, il en faut quatre
Il faudrait une grande lanterne en bois pour chaque pressoir pour économiser la chandelle
Des gros bondons pour tous les laigres gros et petits.
Refaire un tour (pansard) et la roue pour le pressoir No 1; faire 4 marcs pour le pressoir No 3; un puisard pour le moût
Pour suivre la vendange des vignes franches cultivées par des vignerons de Berne, des suiveurs de troupes sont attachés à chaque vigneron; ceux-ci doivent contrôler la vendange.
En 1828, il a fallu compter 74 journées de voituriers sur 16 jours de vendanges. pendant le gros de la récolte, 6 voituriers travaillaient par jour.
Personnes employées au vendange de 1834
Nombre | Jour |
2 inspecteurs aux pressoirs et à la dîme | entre 15 et 17 |
1 suiveur de troupe | 8 |
6 charretiers | 2,10,11,13,15 |
15 pressureurs | 20 |
24 dîmeurs | entre 4 et 17 |
En plus des gerles livrées aux pressoirs de Frienisberg, des particuliers ont obtenu de la vendange par exemple:
1828 | Gerles |
Le maître bourgeois Bourquin | 95 |
Le châtelain | 1 |
Le régent d’Enges | 4 |
Le colonel Pettavel | 33.6 |
Nicolas Perrost | 13.0.1 |
Frochaux | 57.1.3 |
Total | 203.7.4 |
R 3 AEN Frienisberg
1827 – Récapitulation de la vendange des domaines vendus en justice | Gerles |
Domaine Bellenot | 317.8 |
Hämerli | 278.6 |
Muriset | 180 |
Guenot | 219.7 |
Honsenberg | 244.1 |
Ramseyer | 217 |
Hauterive | 94.25 |
Total | 1549 |
Pressées à St Jean | 2635 |
Vendues en justice | 1549 |
Vendues direct | 203 |
Total | 4387 |
Total registre | 4112 |
Donnée en paie à différents particuliers | 275 |
AEN Frienisberg R3
le 29 septembre |
Fol 1 |
141,25 G |
21,2,5 |
le 1 octobre |
Fol 2 |
133.3.25 |
214.3.25 |
le 2 |
Fol 3 |
134 |
|
le 2 |
Fol 4 |
111 |
|
le 2 |
Fol 5 |
112 |
296 |
le 3 |
Fol 6 |
102 |
|
le 3 |
Fol 7 |
129 |
|
le 4 |
Fol 8 |
118 |
322 |
le 4 |
fol 9 |
136 |
|
le 4 |
fol 10 |
99 |
262 |
le 5 |
fol 11 |
112 |
|
le 5 |
fol 12 |
123 |
|
le 5 |
fol 13 |
114 |
248 |
le 6 |
fol 14 |
115 |
|
le 6 |
fol 15 |
90 |
248 |
le 7 et le 8 |
fol 16 |
131 |
153 |
le 9 |
fol 17 |
133 |
|
le 9 |
fol 18 |
109 |
193 |
le 10 |
fol 19 |
84 |
186 |
le 11 |
fol 20 |
104.2 |
34 |
le 12 |
fol 21 |
104 |
140.2 |
le 13 |
fol 22 |
122.7.25 |
179.7.25 |
le 15 et 16 |
fol 23 |
77 |
54 |
Total |
2635.2.25 |
2635.2.25 |
Noms des dîmeurs et suiveurs de troupe pour 1827
Michel Kezer avec Honchberg | rande No 30 |
David Roupp et Hämerli | No 25 |
Guignet et Bellenot | No 31 |
Félix Digier et Joseph Henzi | No 26 |
Fançois Camboli et Benoît Gosseli | No 32 |
François Moreau et Ramseyer | rande personnelle |
Nicolas Henzi et Marli et Fluemann | No 28 |
Delachaux et Guenot | No 29 |
Jean Kleiner et Muriset | No 27 |
Les dîmeurs ont reçu en prêt un seillot et une rande. Tous ces instruments portent des numéros. Après usage, les dîmeurs doivent les rendre à la cave.
26 personnes participent ainsi aux vendanges en qualité de dîmeurs. Parmi eux, on trouve en 1827, un certain Félix Digier, menuisier; un Quellet, tailleur
Frienisberg R5
St Jean: |
|
|
Vignes franches |
235,22 ouvriers |
|
Vignes moitresses: |
99,25 |
|
Frienisberg: |
|
|
vignes franches |
122,5 |
|
vignes moitresses |
92.88 |
|
Total |
549.84 |
= 193547.2 m2 soit 19,355 ha. |
R6 Frienisberg: les vignerons et les surfaces qu’ils cultivent
Jean-Jacques Favre |
32,2 ouvriers |
Abram Honchberg |
40,1 |
Pierre-André Bellenot |
43,7 |
Jean Guenot |
42,1 |
Jean-Charles Muriset |
40,5 |
Samuel Ramseyer |
41,6 |
Joseph Hensi |
34 |
Jean Fluemann |
4,6 |
Jean-Louis Marty |
3 |
Benoît Gostelli |
22,6 |
Jacob Hamerly |
51,7 |
||
A St Jean |
|||
Pierre-André Bellenot |
50,5 |
Abram Block |
8.25 en vignes moitresses |
Jean Guenot |
37.125 |
R 6
Domaine et moitresse | 2274.1.55 |
Dîme | 1841.7.35 |
Total 1827 | 4112.8.9 gerles |
Supposition
revenu de cette dîme et de ces domaines en livres à la vente de Neuchâtel (84 livres le muid) = 69081.6 livres
- Les renseignements historiques sont tirés de la série Rentier aux Archives de l’Etat de Neuchâtel, Friniesberg R1 à R6. [↩]
- Léon Montandon, L’abbaye de St-Jean, Musée Neuchâtelois, 1931. [↩]
- AEN R6, il s’agit de: Jean-Jacques Faure, 32,2 ouvriers — Pierre-André Bellenot, 43,7 ouv.—Jacques-Charles Muriset, 40,5 ouv.— joseph Henzi, 34 ouv.—Abram Honsberger 10,1 ouv.—Jean Guenot, 42,1 ouv.—Samuel Ramseyer, 41,6 ouv.—Jean Fluemann, 4,6 ouv. — Benoit Gostelli, 22,6 ouv.—Jacob Hamerly, 11,7 ouv.—Fluemann et Marty cultivent aussi les vignes moiteresses. [↩]
- Chaque année, dans le courant de décembre, le Conseil d’Etat et quelques autres notables fixaient un prix de référence pour la vente du vin de l’année. En réalité, le prix réel du vin était légèrement supérieur. En 1827, on fixa le prix du muid à 84 livres tournois (I muid = 5 gerles). [↩]
- Ce n’est qu’au XVIIIe siècle qu’apparurent les premiers grands commerces de vin. Les Caves de la Rochette représentent l’exemple typique. [↩]
- Parmi les différents ouvriers qui s’engagent pour les vendanges, on trouve des charpentiers, menuisiers, etc… [↩]
- En 1834, 48 personnes travaillèrent pour les vendanges. En 1828, il a fallu compter 74 journées de voituriers sur 16 jours de vendanges. Pendant le gros de la récolte, six voituriers travaillaient par jour. [↩]
- voir JUNOD Charles, Mémoire sur la meilleure manière de traiter les vins de ce pays, Neuchâtel, 1823. [↩]
- Les dîmes en vin dans le pays de Neuchâtel se prélevaient soit à la onzième, la dix-septième et dans h Mairie de la Côte, à la conscience. D’autres dîmes existaient encore; par exemple, à la douzième, soit une gerle sur douze. Mais en généra/, les dîmes en vin étaient prises à la onzième. [↩]